11.8.15

- Je ne t'abandonnerai pas.
- Je n'en doute pas. Mais la question n'est pas là. Cette femme a besoin de toi. Sa vie dépend de ton choix. Depuis que tu l'as vue, tes yeux rayonnent. Elle illumine ton intérieur. Quelqu'un d'autre, à ta place, serait en train de chanter à tue-tête sur les toits. Si tu ne chantes pas, Atiq, c'est parce qu'on ne te l'a pas appris. Tu es heureux, mais tu l'ignores. Ton bonheur te déborde, et tu ne sais comment t'en réjouir. Toute ta vie, tu n'as écouté que les autres ; tes maîtres et tes gouroux, tes chefs et tes démons qui te parlaient de guerre, de fiel et d'affronts. Tes oreilles en dégoulinent ; tes mains en tremblent. C'est pourquoi tu as peur d'écouter ton coeur aujourd'hui, de saisir la chance qui, enfin, te sourit. Sous d'autres cieux, ton désarroi attendrirait la ville entière. Mais Kaboul ne comprend pas grand chose à ce genre de désarroi. C'est parce qu'elle a renoncé à lui que rien ne lui réussit, ni les joies ni les peines… Atiq, mon époux, mon homme, tu es béni. Ecoute ton coeur. Il est le seul à te parler de toi-même, le seul à détenir la vérité vraie. Sa raison est plus forte que toutes les raisons du monde. Fais-lui confiance, laisse-le guider tes pas. Et surtout n'aie pas peur. Puisque de tous les hommes, ce soir, tu es celui qui AIME...

Les hirondelles de Kaboul, Yasmina Khadra